L’immobilier de bureau a longtemps été la typologie « reine » des fonds immobiliers institutionnels, et en particulier des SCPI. Si un rééquilibrage est en cours au profit d’autres typologies, l’immobilier de bureau représente toujours environ les deux tiers des portefeuilles institutionnels et la moitié des flux d’investissement en 2022.
Or, cette typologie représente aujourd’hui seulement 10% de notre patrimoine. Pourquoi ?
Non pas que nous pensions que le « bureau est mort ». Loin de là. Le bureau reste un lieu de rencontre et d’échanges incontournable pour les entreprises. Cependant, il est évident que la pénétration rapide du télétravail pendant la crise sanitaire a conduit les entreprises – notamment les grandes, qui occupent des surfaces importantes – à chercher à faire des économies en réduisant leurs surfaces occupées.
Alors pourquoi cette sous-pondération ? Pour l’expliquer, il nous semble nécessaire d’analyser le sujet en fonction des différents segments qui composent l’immobilier de bureau.
1. Les grands ensembles ou immeubles de bureaux
Compte tenu de notre stratégie dédiée aux smallcaps, qui plafonne notre capacité d’engagement statutaire à 10 M€ par ligne, une large fraction du marché échappe de facto à notre univers d’investissement. De manière schématique, les immeubles de bureaux de plus de 5 000 m² (et parfois nettement moins, comme nous le verrons au paragraphe suivant) sont exclus de notre champ d’intervention. En pratique, pour éviter une concentration trop forte du fonds sur un seul actif, le plafond de taille est plutôt de 2 500 à 3 000 m².
2. Les actifs de bureaux prime en centre-ville
Les actifs de bureaux prime, situés dans les quartiers centraux des grandes villes françaises (le plus emblématique étant le « Quartier Central des Affaires » à Paris), sont une autre typologie qui échappe à notre stratégie.
Tous les brokers – qu’ils soient à Paris ou en régions – nous confirment un intérêt renouvelé des utilisateurs pour la centralité. En effet, cela permet d’attirer des (jeunes) talents qui privilégient ces zones. Cette tendance soutient les valeurs locatives des actifs centraux, qui ont même atteint de nouveaux records en 2022 dans certaines villes.
Ces immeubles, souvent des bâtiments à forte valeur patrimoniale (anciens immeubles bourgeois restructurés), engendrent des volumes d’investissement importants, parfois supérieurs à notre limite statutaire de 10 M€ par ligne.
Les rendements attendus sur ce segment demeurent extrêmement agressifs, même dans le contexte actuel de remontée des taux. Néanmoins, nous restons positifs sur cette typologie, car la pression des utilisateurs continuera de soutenir les valeurs locatives et de limiter les ruptures de flux (vacances, franchises, etc.). Nous pourrions donc nous positionner sur des petites lignes dans ce sous-segment, à condition que l’effet dilutif sur le rendement global reste faible.
3. Les petits immeubles de bureaux indépendants
Le marché des petits immeubles de bureaux indépendants ou des plateaux situés en périphérie des grandes métropoles régionales, ou en Île-de-France, est celui qui constitue l’essentiel de notre scope d’investissement en bureaux. Il s’agit d’un marché à deux vitesses.
a) Les immeubles « bien construits » et bien entretenus
D’une part, les immeubles bien construits, bien entretenus, avec des espaces extérieurs (de plus en plus demandés par les utilisateurs), faciles à diviser en plateaux de taille humaine (200-500 m²), avec un stationnement facile et/ou des transports en commun à proximité, sont très recherchés. Ces immeubles attirent principalement des PME ou des filiales de grands groupes, et nous estimons qu’ils resteront pertinents sur le long terme. C’est pour cette typologie que nous sommes à l’achat.
Cependant, nous restons vigilants sur un détail important : un différentiel croissant entre les loyers facturés (qui ont beaucoup augmenté suite aux dernières indexations) et les valeurs locatives de marché (VLM). Cela peut entraîner un ajustement des loyers lors des renouvellements de baux, voire une baisse du rendement et des décotes sur les expertises. Il est donc essentiel de vérifier les valeurs vénales et les VLM lors des acquisitions.
b) Les immeubles obsolètes
D’autre part, les actifs obsolètes (soit structurellement, avec une conception monolocataire et/ou une architecture vieillissante, soit de manière réversible mais nécessitant des investissements lourds) présentent des rendements attractifs mais des risques élevés. Nous restons donc très prudents sur ces dossiers, car les stratégies de reconversion ou de restructuration sont souvent complexes et risquées à mettre en œuvre.
Une niche intéressante : les locaux mixtes bureaux/activités
Il existe cependant une niche de marché différente des bureaux purs : les locaux mixtes bureaux/activités. Il s’agit de locaux comprenant à la fois des bureaux classiques et des espaces dédiés aux activités de stockage. Nous sommes assez friands de cette typologie, qui répond à un besoin spécifique d’une catégorie d’entreprise.
Les rendements y sont plus élevés que pour les bureaux classiques, les locataires sont souvent plus captifs, et les loyers plus modestes compte tenu des localisations périurbaines. Cette typologie représente aujourd’hui environ 30% de notre exposition et nous continuons activement à y rechercher des opportunités d’investissement.
Conclusion : un marché complexe mais porteur
Lorsque l’on met bout à bout les éléments analysés, on comprend pourquoi nous avons du mal à trouver « chaussure à notre pied » dans l’immobilier de bureau pur, et pourquoi nous privilégions des typologies comme le commerce en périphérie (voir le E-Billet n°4). Cependant, les portefeuilles immobiliers institutionnels français étant en grande partie composés de bureaux, les opportunités resteront nombreuses, et nous restons à l’affût. Nous croyons fermement que la niche des locaux mixtes bureaux/activités est un segment d’avenir sur lequel nous continuerons de nous positionner.
András Boros et Léonard Hery