La question de la structure de frais
On nous pose souvent la question de savoir comment nous avons déterminé la structure de frais de la SCPI Epsilon 360°. Et en particulier, pourquoi nous n’avons pas opté, à l’instar d’autres SCPI lancées récemment, pour un modèle avec 0% de commission de souscription.
Les deux modèles de frais existants
Pour mémoire, et très schématiquement, il existe aujourd’hui deux modèles de frais pour les SCPI :
Le modèle historique avec 10 à 12% de commission de souscription et environ 10% de commission de gestion ;
Un modèle récent mis en œuvre ces dernières années, surtout par quelques sociétés de gestion récemment créées, avec 0% de commission de souscription, 3 à 5% de commission d’investissement, une commission de gestion un peu, voire nettement plus élevée que dans le modèle traditionnel (soit entre 12% et 15% HT des loyers encaissés), et enfin une commission de retrait de l’ordre de 5% en cas de sortie avant 3 ou 5 ans selon les cas.
Dans les deux modèles, s’ajoutent également de multiples frais annexes (commission sur travaux et/ou commission sur plus-value en cas de cession d’actif notamment).
Une comparaison de frais peu pertinente à court terme
Les articles sont légion sur internet et les réseaux sociaux comparant la somme des frais de chaque modèle et nous nous abstiendrons donc ici d’approfondir cet aspect de la question. In fine, le juge de paix de l’investisseur sera la performance comparée sur longue période (le fameux TRI) et nous avons la faiblesse de penser que sur une longue période, la stratégie d’investissement et la qualité de la gestion pèseront nettement plus lourd que les frais. Nous verrons bien d’ici quelques années.
Le choix d’un modèle hybride
Pour notre part, nous avons opté pour un modèle hybride avec 5% de commission de souscription, 5% de commission d’investissement et 10% de commission de gestion, et aucun autre frais annexe. Mais on ne va pas vous mentir, le modèle de frais est un choix extrêmement stratégique pour une jeune société de gestion et on s’est longtemps posé la question du modèle à 0% avant de nous lancer.
Les contraintes du modèle à 0% pour une jeune société
En effet, le marché des SCPI est aujourd’hui mature, et d’un point de vue purement immobilier, il n’est pas évident d’apporter quelque chose de nouveau au marché. Si vous êtes une jeune société de gestion, que vous vous lancez, et que vous n’avez pas d’angle immobilier extrêmement spécifique à faire valoir, il est compliqué de se faire une place au soleil. Or, « la stratégie du 0% » donne un angle marketing relativement évident pour soutenir le lancement d’une SCPI. Elle permet d’emblée de se différencier de la vaste majorité du marché, et notamment des fonds « gros porteurs » qui pratiquent tous le modèle traditionnel avec commission de souscription de l’ordre de 10 à 12%. Accessoirement, comme le sujet est assez polémique, cela permet d’avoir d’emblée une bonne couverture dans les médias spécialisés.
C’était donc assez tentant. Alors pourquoi nous y avons finalement renoncé ?
Incompatibilité avec notre modèle de développement
Tout d’abord, parce que nous avons lancé Epsilon Capital de manière totalement indépendante, sans réseau de distribution, sans partenaire financier ou industriel au capital, et cet état de fait nous est apparu incompatible avec un modèle sans commission de souscription sur au moins deux points fondamentaux :
D’une part, l’absence de commission de souscription nécessite une croissance très rapide des encours (ou, à défaut, des fonds propres très importants au démarrage pour « tenir »), puisque ce modèle économique est davantage basé pour la société de gestion sur les commissions de gestion et donc sur la taille du patrimoine sous gestion. Or, l’hypercroissance n’était pas le modèle de développement que nous voulions pour Epsilon Capital, et une collecte très significative est de toute façon incompatible avec notre stratégie d’investissement dédiée aux actifs smallcaps, qui plus est en France uniquement.
D’autre part, et sauf à disposer de fonds propres initiaux très importants, l’absence de commission de souscription vous coupe d’une partie encore très importante des partenaires distributeurs qui se rémunèrent pour tout ou partie à la souscription et non sur l’encours, un choix que nous avons jugé trop risqué sans réseau de distribution initial et sans partenaire assureur.
Une vision différente de la communication
Ensuite, sur le plan de la communication, nous n’étions pas vraiment à l’aise avec un discours qui mettait au même niveau (sinon davantage) le niveau des frais et la stratégie immobilière, et qui débouche de manière assez inévitable (et regrettable, même si cela semble très bien fonctionner au regard des niveaux de collecte impressionnants des fonds sans commission de souscription) sur quelques effets de manche marketing. Le plus emblématique (selon nous) étant l’argument que l’on entend très souvent qui consiste à dire qu’avec le nouveau modèle, l’investisseur « ne paye pas pour voir », alors qu’en réalité, c’est précisément et très exactement l’inverse qui se produit. En effet, compte tenu de l’application de pénalités en cas de sortie avant 3 ou 5 ans selon les cas, vous ne payez peut-être « rien » à la souscription à proprement parler, mais si vous décidez ou devez sortir vite « après avoir vu », alors vous passez à la caisse.
Une stratégie fondée sur la différenciation immobilière
Nous préférions donc pour notre part mettre en avant nos convictions en matière de stratégie immobilière et notre conviction en la matière était (et demeure) que notre stratégie exclusivement dédiée aux smallcaps apporte une réelle différence sur le marché et qu’avec le temps, la performance du fonds nous donnerait raison. Il est certes trop tôt pour le dire, mais la 1ère année est encourageante.
Une volonté de préserver l’ancrage immobilier du produit
Last but not least, nous n’étions pas davantage à l’aise à l’idée de contribuer à la « financiarisation » des SCPI en tant que produit de placement. Si la commission de souscription d’une SCPI ne sert en aucun cas à payer les frais de notaire des actifs acquis (mais y a-t-il réellement encore quelqu’un qui dit ça sur le marché ???), il est tout à fait vrai de dire que la commission de souscription fonctionne comme les frais de notaire pour un appartement : si la valeur de votre appartement ne s’apprécie pas, alors à la revente vous perdrez les frais engagés lors de votre acquisition. C’est une mécanique qu’il nous semble assez sain de conserver pour une SCPI, qui est un investissement immobilier, indirect certes, mais un investissement immobilier quand même, et donc, qu’on le veuille ou non, chargé en frais (droits de mutation, apporteurs, etc.) : si la valeur du patrimoine de la SCPI ne s’apprécie pas, alors le prix de la part – en règle générale – n’augmente pas, et la commission de souscription n’est pas amortie.
Ainsi, l’acceptation par le souscripteur du paiement de frais « à l’entrée » est une acceptation implicite par l’investisseur d’un placement à long terme. En l’absence de commission de souscription, il devient assez tentant dans le discours commercial de mettre en avant le fait qu’un placement en SCPI est automatiquement attractif dès 3 ou 5 ans de détention (selon la date à partir de laquelle les frais de sortie ne s’appliquent plus), indépendamment de l’appréciation de la valeur du patrimoine. C’est une tendance qui nous semble assez dangereuse et c’est aussi une des raisons pour laquelle nous avons décidé de ne pas la suivre.
András Boros et Léonard Hery